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Kuidōraku

Hitonari Tsuji

Le 20 février 2024

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La langue japonaise offre un terme signifiant le divertissement culinaire. Il est composé de trois caractères kanji : aliment, voie et amusement. Selon le dictionnaire, il définit le passe-temps consistant à prendre plaisir à cuisiner ou à déguster. C’est à la fois une passion et une philosophie de vie.

Je me sens concerné. 

Je suis au Japon depuis plus d’un mois. Entre deux rendez-vous professionnels, j’ai passé mon temps à dénicher de bons restaurants. Sur les chemins entre Hakata et Osaka, j’ai fait des trouvailles mémorables. Chaque découverte s’est accompagnée de connaissances culturelles et historiques, de rencontres humaines et beaucoup d’émotions. 

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Par exemple, j’ai dégusté un oyakodon à Osaka, chez « Imai » qui se situe dans un grand magasin au cœur du quartier populaire Dōtonbori. La première bouchée a été une expérience transcendantale. Le jaune d’œuf est rouge et le poulet n’a pas cette odeur animale parfois désagréable. Ce plat a reçu une distinction et je n’en suis pas étonné. Je devrais d’abord vous expliquer ce qu’est un oyakodon. C’est du poulet mijoté accompagné d’oignons et d’un œuf brouillé qui ont cuit dans une sauce fine au bouillon sucré-salé, le tout posé sur du riz. Pour l’anecdote, le mot s’écrit avec les kanji du parent, celui de l’enfant… et « don » qui signifie le plat où l’accompagnement est posé directement sur le riz, il y en a plusieurs sortes. Poulet, œuf, vous voyez le lien ? J’apprécie plutôt l’oyakodon mais j’ai toujours eu à redire sur cette odeur particulière du poulet. C’est pourquoi celui d’Imai m’a été particulièrement remarquable. L’œuf, à la consistance d’un nuage, qui se mêle aux morceaux de poulet et qui fondent ensemble sous le palais… J’ajoute que le tofu frit qui était servi avec était aussi divin.

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Quand j’arrive dans une région, je ne manque pas d’aborder des passants qui me semblent aimer faire bonne chère. Je leur demande où je pourrais prendre un bon repas. Ils réfléchissent un instant et ils ont toujours la gentillesse de m’orienter vers une adresse. Alors j’ai fait la même chose à Osaka, plus précisément dans le quartier de Fukushima dont on m’avait parlé. J’ai fait comme d’habitude : je m’arrête devant le bistro indiqué, sans y entrer de suite, je préfère d’abord observer les clients qui en sortent. S’ils ont l’air repus et heureux, je passe le seuil de la porte. 

Je suis allé chez « Imai » car c’est connu, mais dans les villes que je ne connais pas, je fais un micro-trottoir et j’observe. La feuille de route du Kuidōraku consiste à chercher, trouver et ressentir. Un plongeon dans l’inconnu ô combien satisfaisant !
Mes congénères sont plutôt taiseux mais ils deviennent très bavards autour d’agapes. 
Je n’ai pas de cantine attitrée ; je préfère découvrir et je me targue de choisir LE bon plat du restaurant. Je me trompe rarement et je voyage dans le plaisir gustatif du moment !  

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Okonomiyaki, Galette japonaise d'Osaka

Hitonari Tsuji

Écrivain