« Bernard habitait une maison japonaise traditionnelle, en bois, à un étage. Passé une courette extérieure, où un vélo reposait contre un mur dans la pénombre d’une plate-bande, on accédait à la cuisine, vaste pièce au sol en béton attenante à la pièce principale. Après nous être déchaussés, nous montâmes deux marches, toujours en manteau, baissant la tête pour passer les cloisons coulissantes qui s’ouvraient sur le salon, et nous progressâmes en chaussettes sur les tatamis, le corps légèrement incliné.» (Jean-Philippe Toussaint, Faire l’amour, éditions de Minuit, p.140)
Des centaines de machiya sont démolies chaque année à Kyōto.
La rue dans laquelle nous vivons était autrefois bordée de ces maisons de ville, il n’en reste désormais plus qu’une.
Si rien n’est fait, le charme de Kyōto disparaîtra. La municipalité, consciente du désastre en cours, a bien promulgé un décret demandant aux propriétaires de notifier à la mairie leur intention de raser une machiya afin d’éviter que les destructions ne se poursuivent sans discernement. Mais à constater le nombre de maisons démolies chaque année (environ 6000), je me demande si cette mesure n’a jamais eu la moindre efficacité. On dit qu’une machiya présente de nombreux inconvénients à vivre, en particulier pour les personnes âgées. Elles sont difficiles à chauffer en hiver, pleines de courants d’air, il y a des marches et des escaliers à monter. De plus, habiter une machiya était jusqu’à peu la source d’un complexe car le reconnaître, c’était signifier que l’on était incapable de s’offrir un environnement réputé moderne...
La machiya fait cependant ces dernières années l’objet d’un engouement inédit. De nombreuses personnes les achètent et les rénovent. Certaines propriétés renaissent ainsi pour être revendues ou mises en location. On entend souvent dire que les étrangers leur accordent plus de valeur que les Japonais et qu’elles font même de leur part l’objet d’opérations immobilières fructueuses. Sachant que tous les individus qui ne sont pas originaires de Kyōto sont considérés comme des étrangers (y compris les gens de Tōkyō), je me demande qui, à l’avenir, protégera ces aligements de façade (machinami) qui font la beauté de la ville ?