Japan Stories Logo

Vivre dans une kyo-machiya

Sae Cardonnel

Le 28 août 2022

photo

©️Paul Maurer 1998

J’avais des amis lorsque j’étais étudiante qui partageaient une machiya et je les enviais beaucoup. J’étudiais alors la peinture japonaise (nihonga) dans le département d’art de l’Université des Sciences de l’éducation de Kyōto.
Les kyo-machiya (littéralement « maison de ville de la capitale ») sont les habitations traditionnelles de Kyōto. Leur façade est souvent étroit. Elles se composent de trois pièces couvertes de tatami, disposées en enfilade depuis la rue jusqu’au jardin intérieur, tout au fond, bordées sur un côté par un espace appelé doma, originellement en terre battue, situé à hauteur de la rue et abrité sous un large toit. Les trois pièces étant séparées par des cloisons amovibles, une machiya offre un espace d’une profondeur rare, inexistante dans les maisons modernes. Un tel espace est précieux pour le recul qu’il permet à qui peint des tableaux de grands formats. C’était un luxe difficile à obtenir hors de l’atelier mis à disposition par l’université.  

Après avoir obtenu mon diplôme, mon premier souhait a été d’organiser ma première exposition personnelle dans une machiya. J’ai longtemps prospecté avant de tomber par hasard sur une galerie située dans la rue Sakaimachi, non loin de l’emplacement de mon actuel bureau. J’ai pris mon courage à deux mains et j’ai appuyé sur le bouton de la sonnette. J’ai demandé à utiliser cet espace. La galerie est fermée, m’a-t-on d’abord répondu. Mais en insistant, et peut-être vaincu par mon enthousiasme, on m’a autorisée à y exposer mes croquis et les tableaux que j’avais réalisés suite à un séjour dans les Pyrénées françaises. J’ai tout vendu. 

photo

©️Paul Maurer 1998

C’est à mon retour de France, après un séjour d’études, que s’est présentée l’opportunité de vivre dans une machiya. Le garçon qui allait devenir mon mari, vivait dans une « maison de ville » du quartier de Kamigyo, au nord du palais impérial. C’est une maison plus spacieuse que les machiya ordinaires car sa façade est plus large que celles en centre-ville. Elle a été construite en 1923, l’année du grand séisme du Kantō. J’ai commencé par occuper une pièce de la demeure dont j’ai fait mon atelier. A l’époque, je dessinais pendant la journée et je travaillais le soir comme professeur de mathématiques dans une école de bachotage (juku). 

Mon mari, Sylvain, était installé à Kyōto depuis 1990. Il était à l’époque le rédacteur en chef du magazine culturel franco-japonais Les Voix. Il rencontrait fréquemment les artistes résidant à la Villa Kujoyama (une sorte de Villa Médicis à Kyōto) pour des interviews. C’est ainsi qu’il fit la connaissance de l’écrivain Jean-Philippe Toussaint, revenu plusieurs fois dormir dans cette maison après sa résidence. Le personnage de Bernard du roman Faire l’amour est, semble-t-il, inspiré de lui, et plusieurs scènes se déroulent dans cette machiya, notamment celle décrivant Bernard et le personnage principal, passant de la doma à la pièce centrale en tatami, montant les deux marches séparant les deux espaces. Une photo de la pièce où dormait Jean-Philippe figure sur la couverture de la traduction japonaise du roman.

photo

« Bernard habitait une maison japonaise traditionnelle, en bois, à un étage. Passé une courette extérieure, où un vélo reposait contre un mur dans la pénombre d’une plate-bande, on accédait à la cuisine, vaste pièce au sol en béton attenante à la pièce principale. Après nous être déchaussés, nous montâmes deux marches, toujours en manteau, baissant la tête pour passer les cloisons coulissantes qui s’ouvraient sur le salon, et nous progressâmes en chaussettes sur les tatamis, le corps légèrement incliné.» (Jean-Philippe Toussaint, Faire l’amour, éditions de Minuit, p.140)


Des centaines de machiya sont démolies chaque année à Kyōto.
La rue dans laquelle nous vivons était autrefois bordée de ces maisons de ville, il n’en reste désormais plus qu’une.
Si rien n’est fait, le charme de Kyōto disparaîtra. La municipalité, consciente du désastre en cours, a bien promulgé un décret demandant aux propriétaires de notifier à la mairie leur intention de raser une machiya afin d’éviter que les destructions ne se poursuivent sans discernement. Mais à constater le nombre de maisons démolies chaque année (environ 6000), je me demande si cette mesure n’a jamais eu la moindre efficacité. On dit qu’une machiya présente de nombreux inconvénients à vivre, en particulier pour les personnes âgées. Elles sont difficiles à chauffer en hiver, pleines de courants d’air, il y a des marches et des escaliers à monter. De plus, habiter une machiya était jusqu’à peu la source d’un complexe car le reconnaître, c’était signifier que l’on était incapable de s’offrir un environnement réputé moderne... 

La machiya fait cependant ces dernières années l’objet d’un engouement inédit. De nombreuses personnes les achètent et les rénovent. Certaines propriétés renaissent ainsi pour être revendues ou mises en location. On entend souvent dire que les étrangers leur accordent plus de valeur que les Japonais et qu’elles font même de leur part l’objet d’opérations immobilières fructueuses. Sachant que tous les individus qui ne sont pas originaires de Kyōto sont considérés comme des étrangers (y compris les gens de Tōkyō), je me demande qui, à l’avenir, protégera ces aligements de façade (machinami) qui font la beauté de la ville ?

Texte original

『京町家に住まう』

学生の頃は、町家をシェアして住んでいる友人たちがいて、それが羨ましかった。

私は教育大学の美術科で日本画を学んでいた。

京都の町家は間口が狭く、三間続きの和室が典型的な形で、一番手前の店の間から庭の方を見ると現代の一般的な住居ではみられない奥行きのある空間になる。

大きな絵を描いている美術系の学生にとっては、大学のアトリエ以外で引きが取れる長い距離のある場所で制作ができるのは大変贅沢であると思っていた。


卒業後、最初の個展は町家で開催したいと思っていた。京都中を探し回り、今の私の事務所がある堺町通りにある画廊に偶然辿り着き、勇気を出して呼び鈴を押し、今は開けてないからと半ば断られそうになったが、是非個展に使わせて欲しいと頼み込んだ。熱意が通じたのか、受けいれてもらい、無事にフランスのピレネー地方で描きためたドローイングと日本画のタブローを展示することができた。作品は完売した。

その後、町家に住む機会が訪れる。フランス留学から帰国し、現在の夫の家である上京区の町家に転がり込んだ。大正12年築の“郊外型”町家でゆったりした造りである。居候として一階の一角を占拠し、アトリエとして使い始めた。昼間は絵を描き、夜は学習塾の数学教師として働くという生活であった。夫は1990年から日本に移り住み京都で暮らすフランス人である。


夫シルヴァンは当時、日仏文化雑誌の編集長をしていたことから、京都にあるフランス政府が運営するアーティスト・イン・レジデンス「ヴィラ九条山」の招聘アーティストと交流する機会がよくあった。その中でも小説家ジャン=フィリップ・トゥーサンは招聘期間が終わっても、何度かうちに滞在し小説を書いていた。

「愛しあう」という作品ではベルナールという登場人物がいて、京町家に住まうフランス人の設定で器用に土間に降りたり中の間に上がったりする京都では当たり前の動きを描写しているシーンがある。ベルナールのモデルはもちろん夫である。日本語版の表紙には、彼が畳に座って執筆していた我が家の座敷の写真が使われている。


今日、京都では毎年何百軒もの町家が取り壊されている。

私たちの住む通りも以前は町家が数軒並んでいたが、今はうち1軒になってしまった。

このままでは京都の街並みが消滅してしまう。これに危機を感じた自治体は条例を設け、無闇に町家を取り壊さないように解体を届け出制にした。しかしそれがどれだけの効果があるのか、毎日毎日取り壊される町家を目にする。町家は隙間風があって寒い、段差がある、などお年寄りには特にデメリットが多いとされ、少し前までは町家に住んでいること自体が、近代化ができていない居住空間にいるとコンプレックスを持っている人も少なくはなかった。


近年は町家ブームもあり多くの人が朽ちかけた町家を入手してリノベーションをするケースも増え、工務店も取り壊して建売にするのではなく、歴史的建造物のテイストを残しながら、おしゃれな空間に生まれ変わらせ、販売や賃貸をしている物件も目にする。

日本人よりも外国の人の方が町家を高く評価していて、街中の物件を積極的に買っている人がいると聞く。

(京都人にとっては京都以外の地方の人々は東京も含めて皆外国人なのだが)

今後、誰の手によってこの街の風景は守られていくのか。


Afficher plus

Sae Cardonnel

Productrice

Artiste peintre (nihonga), réalisatrice cinéma, enseignante en arts plastiques. Elle a travaillé en galerie et pour plusieurs institutions culturelles françaises au Japon. Elle a été membre organisateur d’un festival de musique et d’un festival de photographie. Fondatrice de la société MUZ ART PRODUCE spécialisée le conseil et la production dans le domaine des arts et de la culture .