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Exposition Hitonari TSUJI

Hitonari Tsuji

Le 24 août 2024

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Mes peintures seront exposées à partir du 4 octobre dans une galerie d’art parisienne du quartier du Marais. Alors que mon excitation vécue lors de l’exposition de Tokyo n’est pas encore retombée, je m’affaire sans relâche aux préparatifs. C’est dans moins de deux mois.
Mes tableaux sont achevés mais lorsque je les revois alignés dans mon atelier, ils me paraissent lacunaires. J’étais pourtant si confiant car tout s’est bien passé à Tokyo. Le succès a été à un niveau auquel je ne m’attendais pas. Comme il a été décidé qu’une nouvelle exposition aurait lieu l’année prochaine, j’étais convaincu que tout se passait bien. Or là, dans mon antre de la création, je suis tiraillé par l’incertitude. Je me sens comme un sélectionneur d’une équipe sportive. Je pensais avoir choisi les tableaux concernés par la série « Les invisibles » mais cette dernière me semble désormais incomplète. L’essentiel de la collection concerne des portraits en pied de Bouddha. 

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Contrairement à Tokyo où j’ai présenté des toiles représentant la Normandie ou Paris, je souhaite que celles exposées à Paris soient plus saisissantes. À cet égard, il manque une pièce. C’est pourquoi j’ai commencé à peindre une grande toile. Alors qu’il ne me reste que quarante-cinq jours.
Une peinture à l’huile nécessite un an de séchage. La situation est désespérante car, de surcroît, je peins des couches épaisses. Seulement, je suis insatiable ; je dois prendre le pinceau. En priant, en espérant, comme si je m’étais transformé en sokushinbutsu (corps momifié résultant d’une ascèse extrême d’un moine) je me consacre à ma toile. J’étais emporté par l’inspiration, contemporaine à l’actualité mondiale marquée par les guerres.  

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Tokyo compte beaucoup pour moi mais je tenais également à convaincre Paris où je vis depuis vingt-trois ans. La décision n’a pas été aisée. C’est Florian Métral, docteur en histoire de l’art, qui m’a encouragé. Il m’a mis en contact avec une galerie du Marais et sera le commissaire d’exposition. C’est lui, ainsi que l’équipe de la galerie, que je veux surprendre.  
En 1999, j’ai reçu un prix littéraire pour « Le Bouddha blanc ». Je peignais un tableau au même moment, comme une note picturale. C’était une pratique à l’époque inhabituelle me concernant. Le dessin, qui représentait un Bouddha blanc, a disparu depuis mais je me rappelle clairement à quoi il ressemblait. Un ami prénommé Bruno, sans renier la religion, m’avait déconseillé d’introduire mes croyances dans l’art. Soit. Il ne m’a pas été facile de lui expliquer que je n’étais pas croyant, que ce Bouddha n’émanait pas du bouddhisme mais de mon intériorité en tant que Japonais. Je vis certes entre Paris et la Normandie mais je n’ai pas l’attention de me blanchir la peau. Où que je vive, le Japon reste ma terre natale et je souhaite que mes peintures reflètent ma sensibilité qui trouve sa source à travers ces deux pays. C’est pourquoi, parfois, Bouddha m’apparaît soudainement en Normandie. « Bruno, ce n’est pas rationnel. Ce qui compte pour moi, c’est ce que ressentent les personnes qui regardent mes tableaux. C’est ce qui m’inspire qui me pousse à peindre. Je veux juste peindre. »
Serai-je en mesure d’organiser une exposition qui me ressemble ? C’est un défi pour moi en tant qu’artiste. Plongé dans l’écriture de romans dans ma trentaine et ma quarantaine, j’étais guidé par la logique et la pensée. Désormais, je suis animé par ma sensibilité. Face à ma toile, une matrice s’active dans les profondeurs de mon cerveau, les circuits neuronaux s’agitent. Ma concentration atteint son apogée. Quelles formes vont figurer les couleurs, les lignes et les points ? Je suis porté par ces invisibles.

Par un grand hasard, l’exposition commence le jour de mes soixante-cinq ans. Laurent, le galeriste, a décidé des dates. « Ce sera entre le 4 et le 12 octobre ». À cet âge-là, on est censé prendre sa retraite. Pourtant, je n’ai jamais été aussi ardent. Je n’ai que faire de la gloire ou de l’argent, des pensions de retraite ou de mes vieux jours. L’énergie qui se dégage de mes mains grave sur la toile. Je brûle de vitalité, je suis incandescent. Je veux faire vibrer les visiteurs. Folles de création, toutes les cellules de mon corps investissent la toile.          

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EXPOSITION "LES INVISIBLES" DU 4 AU 12 OCTOBRE 2024
GALERIE 20 THORIGNY
20 rue de Thorigny 75003 Paris

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Hitonari Tsuji

Écrivain