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"Les trois chocolats, le talentueux chocolatier qui fait frémir les parisiens gourmands"

Japan Stories

Le 16 septembre 2022

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La chocolatière Emiko Sano dirige Les trois chocolats sur la Rive droite à Paris. Sa chocolaterie a peu à peu gagné en popularité dans le Marais, le quartier ultra-concurrentiel des chocolats et des gâteaux, au point d'y établir une présence solide. Ce succès a également touché l'habitant de la rive gauche que je suis. Je l'ai interrogée sur les secrets et les efforts de chocolatière japonaise qu'elle est, devenue célèbre grâce au bouche-à-oreille des gourmands!

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Tsuji : J'ai déjà eu l'occasion de goûter vos chocolats une fois, lors de l'inauguration de votre boutique. J'ai tout de suite reconnu votre talent. Plus tard, par hasard, j'ai eu l'occasion de travailler avec votre père lors d'une apparition à la télévision, quand j'étais retourné à Fukuoka où vivent mes parents. (Le père d'Emiko est un célèbre chocolatier à Fukuoka).
J'ai été surpris d'apprendre que tous les chocolats vendus dans la boutique de votre père à Fukuoka venaient de Paris.

Emiko Sano (ci-après appelée "Sano") : Oui, c'est ça. Chaque semaine, nous faisons venir par avion des articles fabriqués dans notre atelier en France et les vendons dans notre boutique à Tenjin.

Tsuji : Les trois chocolats est le lien entre Tenjin et Paris. À l'origine, vous ne vendiez que des chocolats, puis vous avez commencé à vendre aussi des gâteaux ?

Sano : Dès l'ouverture, nous avons fait à la fois du chocolat et des gâteaux. Au début, je faisais les deux en même temps, mais maintenant nous avons un chef pâtissier.

Tsuji : Quand avez-vous ouvert Les trois chocolats ?

Sano : février 2017.

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Tsuji : C'est à peu près à cette époque que j'ai goûté vos chocolats, ils étaient donc tout neuf! Qu'est-ce qui vous a décidé à devenir chocolatière ?

Sano : Ma famille tient une chocolaterie depuis l'époque de mon grand-père, mais j'ai travaillé dans la vente pendant trois ans après avoir obtenu mon diplôme universitaire, si bien que je n'étais pas initialement intéressé par l'entreprise familiale.

Tsuji : Oh, la chocolaterie de vos parents a été créée par votre grand-père, pas par votre père !

Sano : Oui, elle a été fondée en 1942, il y a maintenant 80 ans.

Tsuji : Je vois, par votre grand-père, c'est incroyable. C'était longtemps, longtemps avant ma naissance. Il était avant-gardiste. Alors comment avez-vous décidé de succéder à votre père ?

Sano : Lorsque je suis entrée dans la vie active, j'ai travaillé comme représentante de commerce et j'ai été en contact avec de nombreux clients de la génération de mes grands-parents. Pendant les conversations, je parlais de mes parents qui tenaient une pâtisserie. Une cliente m'a raconté: "Avant notre mariage, mon mari et moi avions l'habitude d'y aller en amoureux"... Jusque-là, mon père était toujours très occupé et nous ne passions pas beaucoup de temps en famille, et je me souviens à peine qu'il jouait avec moi. Je me demandais ce que mon père protégeait en travaillant si dur. Je ne comprenais pas pourquoi il travaillait autant et je me disais qu'il pouvait faire autrement. Je traversais ma crise d'adolescence. Je suis donc allée travailler ailleurs. Mais en entendant cette histoire, j'ai réalisé pour la première fois que la chocolaterie était un lieu de souvenirs pour certaines personnes. J'ai compris le sens de l'acharnement de mon père et de mon grand-père. Et quand la cliente m'a dit : "Si tu ne reprends pas, ce magasin va disparaître, c'est tellement triste". Je me suis lancé le défi de faire perdurer la boutique jusqu'à son centenaire.

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Tsuji : Si la boutique a ouvert il y a 80 ans, cela signifie qu'elle existait aussi à l'époque où j'étais à Fukuoka, et mes parents ont certainement dû y aller parce qu'ils aimaient aussi les choses à la mode. Je leur demanderai la prochaine fois.

Sano : Quand mon grand-père a ouvert le magasin, un morceau de pain coûtait 20 yens. Lui vendait un morceau de chocolat pour 100 yens, et il était très pauvre parce qu'un produit si cher se vendait peu. Malgré cela, il a continué à les fabriquer par amour du chocolat. Maintenant que j'exerce le même métier, et que je travaille seule à Paris sans le soutien de mon père, je me donne comme mission de perpétuer l'esprit de mon grand-père.

Tsuji : Excellent. Et maintenant, la chocolaterie se perpétue à Paris, grâce à vous. Au fait, avez-vous déjà goûté les chocolats de votre grand-père ?

Sano : Oui. Mon grand-père est décédé lorsque j'étais à l'école primaire, mais je me souviens encore du goût de ses chocolats.

Tsuji : Comment pensez-vous que le goût du chocolat de votre grand-père diffère de celui de votre père ?

Sano : Mon père a hérité de ce que faisait mon grand-père, mais il avait aussi ses propres dilemmes. Mon grand-père disait : "Mon chocolat est bon, mangez-le", et il fabriquait les mêmes chocolats que ceux qui étaient fabriqués en Allemagne et en France à l'époque, mais mon père a utilisé les techniques de son grand-père pour fabriquer un chocolat adapté au palais japonais.

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Tsuji : Je vois. Votre père, Sano-san, est un homme puissant. C'est un homme d'affaires charismatique. Il a donc œuvré à développer son commerce. Vous, qui représentez la troisième génération, êtes revenue aux origines pour mettre l'accent sur la qualité du chocolat. Pour cela, vous êtes même venue en France! Quel est l'objectif des "trois chocolats" aujourd'hui, et quelles sont vos pensées pour vos clients ?

Sano : "Les trois chocolats" est maintenant situé dans le quartier du Marais à Paris, qui est un champ de bataille féroce de pâtisseries, avec environ 30 pâtisseries à deux ou trois minutes de marche les unes des autres. Nous sommes dans un environnement où Pierre Hermé, Patrick Roger et d'autres chocolatiers de renommée mondiale sont nos concurrents. Au milieu de tout cela, je pense toujours : quelle est la singularité de mes chocolats? C'est une préoccupation constante. Qu'est-ce que je peux faire que les autres grands chocolatiers ne peuvent pas faire? Utiliser des ingrédients japonais, varier en permanence les saveurs et mettre l'accent sur la fraîcheur des chocolats qui peuvent être dégustés immédiatement après leur confection dans l'atelier du magasin. Nous nous donnons à fond chaque jour pour que nos clients puissent toujours profiter de leur visite.
Tsuji : Mon préféré est Jacques Genin, mais Jean-Paul Hevin, Patrick Roger, Pierre Marcolini... ils sont tous très présents dans le monde. Il faut beaucoup de courage pour aller à la compétition.

Sano : Paris est un endroit où l'on ne perd jamais la motivation.

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Tsuji : Un endroit où la motivation ne baisse jamais. C'est donc aussi un lieu de combat ?

Sano : Oui, c'est un endroit où je peux toujours regarder vers l'avenir. Mon père le reconnaît en disant : "C'est quelque chose que tu es la seule à pouvoir faire." Je pense que je suis comme mon grand-père en ce sens que je me mets au défi sans tergiverser.

Tsuji : Pouvez-vous nous parler de Sho Kimura, votre chef-patissier ?

Sano : Il est venu en France avec le visa vacances travail. Lorsqu'il travaillait dans une pâtisserie en province, je l'ai repéré par hasard sur Instagram où il postait des photos de ses gâteaux. J'ai tout de suite vu du potentiel alors je me suis renseigné sur lui. Puis un jour, j'ai été surpris par sa visite à la chocolaterie. Nous avons tout de suite décidé de travailler ensemble.

Tsuji : C'est une belle coïncidence !

Sano : Son père tient également une pâtisserie. Sa famille, depuis son plus jeune âge, ne cessait de lui répéter d'en hériter, ce qu'il a longtemps refusé. Après avoir exercé plusieurs métiers où il n'arrivait pas à persévérer, son père lui a dit de trouver une voie où il rendrait les gens heureux. Ces mots l'ont marqué, il n'était plus obligé d'être pâtissier. Il s'est donc exercé à pâtisser pendant dix ans à Aomori et il est arrivé en France.

Tsuji : Alors vous êtes deux? Vous faites les chocolats et Mr Kimura la pâtisserie?

Sano : Je suis le chef-chocolatier, Mr Kimura est le chef-patissier et nous avons un autre chocolatier.

Tsuji : Quelles sont les particularités de ses gâteaux ?

Sano : Les clients disent qu'ils sont délicats et doux. Il fait des gâteaux français, comme le forêt noire ou le Paris Brest mais il incorpore des techniques apprises au Japon. Par exemple, Il a passé environ deux ans et demi à améliorer progressivement un gâteau, et il a fini par réaliser quelque chose dont il est entièrement satisfait.

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Sho Kimura

Tsuji : La période de la pandémie Covid 19 a dû être difficile pour vous?

Sano : Comme le magasin se situe dans le Marais, il y avait habituellement beaucoup de touristes japonais et américains, donc j'étais inquiet... Je me demandais si tout allait bien se passer. Nous avons fermé pendant environ 20 jours pendant le premier confinement, et j'ai reçu beaucoup d'emails demandant "Pourquoi n'ouvrez-vous pas ?". Nous avons commencé à ouvrir le magasin uniquement dans la mesure où nous pouvions le faire. Nous n'avons pas fait de publicité et nous n'avions pas beaucoup de clients, mais après environ deux semaines, les gens du quartier ont commencé à venir, et les clients qui sont venus à ce moment-là sont maintenant nos habitués. Après trois ans, je pense que notre réputation est enfin à la hauteur de ce qu'on espérait.

Tsuji : C'est merveilleux. Votre talent a enfin été reconnu. J'espère que vous continuerez à affiner vos compétences dans ce lieu où votre motivation ne cesse de croître. Je suis de tout cœur avec vous!

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Emiko Sano

Les trois chocolats Paris

45 Rue Saint-Paul, 75004 Paris

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