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Peindre les fusuma d'un patrimoine mondial

Hiroshi Senju

Le 28 septembre 2022

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Le 31 juillet 2017, j'ai commencé la restauration des peintures sur les fusuma (plaques opaques coulissantes qui permettent de délimiter les espaces intérieurs, NDLR) du temple bouddhiste Kongobu-ji.
 
En 816, l'homme de lettres et philosophe Kukai a créé le monastère Koya. Koya est aujourd'hui un bourg où se concentrent 117 temples dans les monts portant le même nom. Il figure dans le guide vert qui lui a décerné trois étoiles et de nombreux touristes étrangers s'y rendent toute l'année.
 
Le temple Kongobu-ji est le plus éminent.

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En 2015, à l’occasion des 1200 ans du temple, j’ai été investi de la mission de restaurer les fusuma, intacts depuis leur création, de deux pièces de la bâtisse principale du temple. Tout autour de la pièce où se déroulait la cérémonie du thé et la seconde où se trouve le foyer de chauffage traditionnel se déploient pas moins de 40 fusuma.  
J’ai étudié la pensé de Kukai, suivi son parcours spirituel mais je ne suis pas parvenu à me faire une idée concrète de cet éminent sage. C’est pourquoi j’ai décidé de dessiner comme je l’entendais. J’ai mis deux ans à prendre cette résolution.

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J’ai commencé par pétrir et appliquer la quantité nécessaire à 18 plaques de gofun, (pâte à base de carbonate de calcium servant à la peinture japonaise et les ukiyo-e, NDLR) et de glue. Le processus est lent et fastidieux. Il faut mélanger délicatement la poudre de coquillage à la glue afin d’obtenir une pâte homogène puis l’étaler de façon régulière sur la surface du fusuma. Mes assistants m’ont aidé pour le mélange puis j’ai peint tout seul pendant deux jours.
Je voulais représenter la fin du monde avec ce blanc typique du gofun, doux et brillant. Sur ce fond blanc, j’ai prévu de peindre des falaises.
 Pour les autres fusuma et pour l’alcôve, j’ai prévu de peindre des cascades sur fond noir. 

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J’ai eu beau lire des ouvrages sur Kukai, suivre son chemin de pèlerinage, je n’avais rien appris. C’est seulement quand j’ai commencé à dessiner que j’ai cru entendre Kukai me dire « Tourne la page et commence à partir de rien. ». Je devais recommencer à zéro, à partir d’une feuille blanche.
Peindre n'est pas facile, car tout est toujours imprévisible. Chaque trait doit être inédit. Je me suis dit que des jours d’ascèse m’attendaient mais, à chaque instant, j’ai été animé d’un enthousiasme de débutant qui ne me faisait jamais perdre la certitude d’avancer, même à tâton.

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Hiroshi Senju

Peintre

Peintre. Né en 1958 à Tokyo ; diplômé de l'université des arts de Tokyo, département de peinture, spécialisation en peinture japonaise, en 1982 ; a terminé le programme de doctorat à la même université en 1987 ; s'est installé à New York en 1993 ; a reçu le prix d'honneur de la peinture à la Biennale de Venise en 1995 (le premier Oriental à recevoir cet honneur). En 2011, il a ouvert le musée d'art Senju Hiroshi à Karuizawa ; en 2013, il a terminé les peintures de portes coulissantes de Jukouin au temple Daitokuji ; en 2016, elles ont été sélectionnées comme " Heisei no supreme treasures " au temple Yakushiji. A reçu la Mention élogieuse du ministre des Affaires étrangères en 2016 ; a reçu le prix Isamu Noguchi en 2017. Outre la création de peintures japonaises, son travail va de la conception de scènes à la direction artistique de gares et d'aéroports.