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Akiyoshi - Le Japon à Paris -

Hitonari Tsuji

Le 11 novembre 2025

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Aujourd’hui, je souhaite vous présenter « AKIYOSHI », un restaurant de cha-kaiseki, extrêmement rare à Paris. Le chef, Yuichiro Akiyoshi, s’est formé pendant dix ans dans la prestigieuse maison de cuisine kaiseki Hyōtei à Kyoto. Après ce long apprentissage, il a décidé, il y a quelques années, d’ouvrir ici à Paris ce restaurant de cha-kaiseki, appelé « AKIYOSHI ». Selon leur site officiel, le cha-kaiseki est un art culinaire japonais traditionnel qui s’inspire de l’esthétique japonaise, avec des plats basés sur l’idée de sublimer une tasse de thé.

J’ai eu la chance de m’y rendre récemment pour découvrir cette expérience unique. Je ne connaissais pas exactement le déroulement du repas, mais j’ai compris qu’il s’achève toujours par une tasse de thé. J’ai eu l’honneur d’assister à ce moment d’une grande solennité. Tout a commencé par le son apaisant d’une cloche, destiné à instaurer le calme. Puis, dans le respect le plus strict du rituel ancestral, le maître a préparé le thé pour l’ensemble des convives. Par respect pour la scène, il m’a été impossible de prendre des photos. En tant que Japonais, j’ai presque oublié que je me trouvais à Paris, tout était authentiquement japonais.

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Le thé fut extraordinaire, mais ce qui m’a profondément marqué, c’est la qualité exceptionnelle de chaque plat et la vision culinaire du chef, capable d’harmoniser avec brio les ingrédients japonais et français. Jamais je n’aurais imaginé pouvoir goûter à une cuisine japonaise d’un tel niveau à Paris. Le premier élément servi dans un repas de cha-kaiseki est l’oshiki, le plateau individuel sur lequel repose le service. Dans la tradition japonaise, on dispose le bol de riz, « meshi », à gauche, et la soupe, « shiru », à droite. À l’arrière du plateau se trouve le plat appelé mukōzuke, généralement composé de sashimi.

En France, personne ne porte son assiette à la main pour manger, alors qu’au Japon, on soulève le bol vers soi. Ce geste permet de conserver une posture droite et élégante, tandis que pencher le visage vers la table serait jugé peu gracieux. Les baguettes, quant à elles, sont initialement placées de manière à dépasser légèrement du côté droit du plateau, puis, après usage, on les repose de façon à ce que l’extrémité utilisée dépasse du côté gauche. La maîtresse de maison m’a toutefois confié qu’ici, chez AKIYOSHI, plus que le respect rigide de ces règles, ce qui compte, c’est que les convives prennent plaisir à découvrir le Japon. Les codes existent, bien sûr, mais nous sommes en France, et chacun mange à sa manière, ce qui, je dois dire, a été agréable à observer.

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Sur le plateau, en bas à gauche, se trouvait le bol de riz blanc. Dès la première bouchée, j’ai été frappé par sa saveur : je me suis demandé si le riz pouvait vraiment être aussi délicieux. La soupe, elle aussi, très simple et sans artifice, possédait une profondeur de goût remarquable, formant une parfaite introduction à ce repas de cha-kaiseki. C’est alors qu’un souvenir m’est revenu : il y a dix ans, le chef Yuichiro Akiyoshi avait cuisiné lors d’un déjeuner à la Résidence de l’Ambassadeur auprès de l’OCDE, auquel j’avais assisté. À la fin de ce repas, je lui avais dit : « C’est la cuisine japonaise qui m’a le plus touché depuis mon arrivée en France. » Il m’a confié, de l’autre côté du comptoir, que ces mots avaient été l’un des déclics qui l’avaient encouragé à ouvrir un restaurant ici.

Le temps a passé, mais aujourd’hui, sa cuisine possède une profondeur et une amplitude encore plus grande. En dégustant ses plats, j’ai eu l’intuition qu’un jour, il pourrait bien se voir attribuer les trois étoiles du Guide Michelin. Le Covid a retardé l’ouverture de son établissement, mais il y a environ cinq ou six ans, il a enfin réussi à inaugurer AKIYOSHI à Paris. Depuis, il n’a cessé de conquérir le palais et le cœur des Français.

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Le jour où j’y suis allé, le restaurant était complet. J’étais le seul client japonais ; tous les autres étaient Français. La qualité de chaque plat était exceptionnelle, mais ce qui a peut-être le plus surpris les convives français, habitués à la puissance expressive de la cuisine française, c’est l’art du « retrait », le goût brut et sans artifices des produits, propre à la cuisine japonaise. La dame assise à côté de moi n’a cessé de laisser échapper de petits soupirs d’émotion à chaque bouchée. Pour ma part, j’ai mangé avec le sentiment de ne pouvoir laisser ne serait-ce qu’un seul grain de riz. Et ce qui m’a profondément touché, c’est que les convives français, eux aussi, utilisaient admirablement bien les baguettes et mangeaient jusqu’au dernier grain de riz.

Ce jour-là, trois plats m’ont particulièrement marqué : le bouillon de crabe et d’oursin, le saba-bōzushi, un sushi de maquereau pressé, et le riz blanc servi sur l’oshiki. Le crabe, entièrement décortiqué par le chef lui-même avec un soin extrême, présentait une texture extraordinaire. L’oursin français, qui l’accompagnait, s’y mêlait comme une sauce délicate, créant un plat d’une finesse absolue.

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Le saba-bōzushi, lui, a été grillé côté peau au charbon de bois binchōtan, juste devant les clients. Le riz au vinaigre rouge « akazu » était remarquable. On roule le tout dans une feuille de nori, puis on le porte directement à la bouche avec les mains, c’est un plat que j’aimerais absolument déguster à nouveau.
Dans l’un des plats mijotés, probablement des légumes parfumés à la truffe blanche, se trouvait un ingrédient presque introuvable en France : le lys bulbille, ou yurine. C’est un aliment que j’affectionne tout particulièrement, et j’en ai été très heureux. Pour finir, vint le riz aux champignons cuits dans une marmite.

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Après le dessert, quand la cloche a retenti, et que la préparation du thé a commencé, je me suis dit que la prochaine fois, je reviendrais pour le dîner. AKIYOSHI est une maison rare, un lieu où l’on peut goûter non seulement à une cuisine d’exception, mais aussi à l’âme même du Japon.

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Hitonari Tsuji

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