Je sais reconnaître mes semblables alors je comprends Naoto à travers ses paroles et son attitude. En revanche, je ne sais pas trop comment me comporter quand je suis avec un homme en « mode jour ». Dans le monde de la nuit, les attitudes sont sans équivoque, les propos salaces. On va droit au but sans prendre le temps de faire la cour ou de se complaire en jouant l’ambiguïté. Depuis ma première expérience amoureuse qui s’est soldée par un désastre cuisant sans jamais avoir commencé, je reste dans un souvenir amer et humiliant que je ne parviens toujours pas à oublier. Je n’ai jamais osé prendre à nouveau le risque d’être rejeté. Je ne connais pas les règles du jeu amoureux d’autant que j’ai pris la mauvaise habitude de ne me fier qu’aux manuels, en bon technocrate. Or il n’y a pas de mode d’emploi pour l’amour. Alors j’ai laissé les occasions filer, me contentant d’une hygiène sexuelle que je pouvais entretenir dans une sorte de double vie. Je n’ai jamais révélé à mes parents mon orientation sexuelle. Pendant un temps, les coming-out étaient à la mode mais je n’ai jamais compris pourquoi il fallait une annonce solennelle de ce qui nous constitue. Pour moi, c’est comme déclamer « Je suis un homme.» Les hétéros ne disent pas publiquement qu’ils le sont. Je trouve que cette pratique marginalise davantage l’homosexualité. Comme si on devait mettre en garde son entourage. On est ce qu’on est et tant pis si les autres ne l’acceptent pas ou s’ils ont quelque chose à dire, ce n’est pas mon problème. J’assume aimer les hommes et je n’ai besoin de personne pour me rassurer. Maintenant, quand je me retrouve avec Naoto et ses comparses, je reçois en pleine figure la bassesse de certains intolérants. À les entendre, ils savent très bien qui est leur « ami » mais s’amusent beaucoup à le moquer en faisant des allusions grivoises. J’ai déjà vécu cette situation mais je restais impassible avant de rayer de ma vie ces amis imposteurs. Avec Naoto, que je ne connais pourtant que depuis quelques heures, je me sens révolté et je ne suis pas loin de donner un coup de poing à ces idiots immatures. À la place, je déclame : « Je suis homo. Vous avez un problème avec ça ? » Ils sont interloqués, semblant soudain réaliser la possibilité de leur bêtise. Je regarde leur compagnon de marche et c’est naturellement que nous nous embrassons.
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