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Tomoka, épisode 3: comment le réseau des adultes envahissent celui des enfants

Marie Ebersolt

Le 28 juillet 2023

Mon dernier récit émane d’une préadolescente de quatorze ans. Totalement inconsciente de cette réalité quand j’étais entrée à l’école primaire, j’avais eu l’impression d’une profonde transformation de mon environnement scolaire. C’était comme la fin de l’insouciance. Les rapports entre enfants étaient désormais moins spontanés, davantage jaugés, froids. Je pense pouvoir aujourd’hui vous expliquer l’origine de cette ambiance délétère. Je vis avec mes parents dans un bâtiment qui appartient à l’entreprise où travaille mon père. C’est un système assez courant au Japon qui permet de loger les employés dans une même unité résidentielle. L’idée est peut-être de renforcer le même sentiment d’appartenance et de prétendre que tout le monde est logé à la même enseigne, mais dans les faits, c’est bien moins reluisant. Les rapports de voisinage sont plus complexes dans ce genre d’habitation puisque les rapports hiérarchiques sont sous-jacents. Par exemple, si les occupants d’un appartement sont à l’origine d’une nuisance sonore, il est difficile pour un collaborateur de se plaindre alors que la famille d’un supérieur prendra plaisir à asseoir son ascendance en allant se plaindre aisément. J’ai compris petit à petit que les gens ont tendance à valoriser leur entourage en fonction de son pouvoir social, à se prendre au sérieux s’ils commandent, ou à se victimiser s’ils sont exécutants. J’ai constaté aussi que les adultes se plaignent beaucoup. Les enfants entendent les conversations et les rapportent à l’école, c’est pourquoi les relations entre adultes rejaillissent dans le réseau social des lieux fréquentés par les enfants : à l’école, au parc, dans la rue… Mon père étant dans la profession intermédiaire, c’était pénible de retenir les différents statuts des enfants. De toute façon, tout ça m’a vite barbé, j’avais l’impression de perdre mon temps et de rater des amitiés. Étant fille unique, j’ai toujours été d’un tempérament solitaire. J’étais souvent seule ou avec une amie qui me ressemblait et le phénomène de groupe ne m’a jamais concernée. Je n’ai jamais souffert d’être dans mon coin alors je n’ai jamais souffert d’être isolée ou de subir des brimades. Le harcèlement me laissait indifférente alors les auteurs se sont vite lassés et m’ont laissée tranquille. Seulement, tout le monde n’est pas aussi stoïque.   

Marie Ebersolt

Rédactrice-traductrice