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Les rencontres amoureuses au Japon

Marie Ebersolt

Le 31 juillet 2023

Au Japon comme en France, beaucoup de couples se forment à travers les sites de rencontres et ce phénomène est aujourd’hui assumé. Avec le lieu de travail et le réseau d’amis, ces interfaces numériques occupent le podium des premières occasions pour décrocher un tête-à-tête au potentiel amoureux. Néanmoins, une spécificité japonaise semble émerger. Elle n’est pas sans lien avec la pratique traditionnelle des entremises. Comment est-ce que les Japonais partent à la rencontre d’une âme sœur ? C’est l’enquête du jour.

Quand on est célibataire et que l’on cherche à s’investir dans une relation durable, l’étape incontournable et pourtant la plus problématique est l’occasion de rencontrer quelqu’un. Après avoir écumé le lieu de travail, le réseau amical, les fêtes, les bars ou les ateliers de création, le dernier espoir se situe dans le marché institutionnalisé des célibataires. Il en existe plusieurs, de formes diverses. Des applications, des sites Internet ou encore des agences matrimoniales. En parallèle, il existe des systèmes plus informels. Ce sont les gô-kon. Son unique objectif est la rencontre entre jeunes. Le but recherché est avant tout de faire connaissance, et plus si affinités. Les organisateurs viennent avec des amis, camarades ou collègues, dont le nombre est prédéfini afin qu’il y ait autant de garçons que de filles. L’ambiance est conviviale au restaurant ou au bar. La pratique est aujourd’hui si courante que des prestataires de service ont créé un véritable marché de célibataires en mal d’amour. Il suffit de s’inscrire et tout se met en place, sans se donner la peine de planifier les réservations et de réunir les membres. 

Ces rencontres arrangées sont la version moderne des miai. Leur origine remonte au XVIIème siècle et elles étaient réservées à la noblesse et aux familles de lignée militaire. Il s’agissait de sceller des alliances dans l’intérêt des familles, dans le but d’acquérir des avantages économiques et politiques. Cette coutume est somme toute universelle, particulièrement dans les hautes sphères de la société où les unions maritales constituent un enjeu dont dépend la stature des familles concernées. Elles le sont peut-être moins lorsqu’il s’agit de l’époque contemporaine où le mariage d’amour a largement gagné du terrain dans les pays dits « modernes ». Au Japon, les mariages arrangés se développent également dans les catégories populaires depuis le XIXème siècle et concernent soixante-dix pour cent des mariages au début du siècle précédent. Si aujourd’hui les miai (que l’on peut traduire littéralement par « se regarder ») sont à l’origine de moins d’un mariage sur dix, ils sont tout autant codifiés qu’autrefois. Tout d’abord, un carnet dans lequel figurent une photo et une présentation rapide est réalisée. Un intermédiaire, rémunéré ou non, recherche parmi son entourage un candidat ou une candidate qui pourrait correspondre. S’il n’existe pas, le carnet de ce dernier ou de cette dernière est réalisé avec son accord et proposé à la famille demandeuse. Si les deux personnes concernées sont intéressées, une rencontre est organisée. Les parents peuvent être présents mais pas nécessairement. Si le couple potentiel se trouve des affinités, il commence à se fréquenter en se demandant si leur compatibilité peut être poursuivie par une union officielle. Ainsi peut démarrer une relation ayant pour finalité le mariage. Une expression y est même consacrée et prononcée lorsque deux amoureux, quand bien même connus autrement que par le miai, souhaitent démarrer une relation durable. On constate à ce stade que le mariage est une réelle préoccupation des Japonais, pour qui cette institution est incontournable pour chaque individu. Les femmes doivent se marier avant leurs vingt-cinq ans, les hommes avant les trente ans, faute de quoi ils pourraient pâtir d’une réputation d’irresponsables. Cette mentalité est si ancrée encore aujourd’hui qu’il existe un néologisme, le kon-katsu, littéralement « activité pour se marier ». 

Être à la recherche active d’un ou d’une fiancée, tel pourrait être un « statut » de réseau social. Les gô-kon, version moderne des rencontres arrangés sans l’intervention d’un entremetteur, sont devenus si courants qu’aujourd’hui ils constituent un vivier pour des relations furtives ou amicales. Pour renforcer la dimension de l’engagement, des agences matrimoniales se sont multipliées et modernisés avec le déclin des intermédiaires. Il faut renseigner son âge, son métier, son revenu annuel, ses hobbies, et ses souhaits concernant le candidat. L’agence, après recherches, proposent différents profils. Inscription, recherche, organisation de la rencontre, intermédiaires pour d’éventuels échanges, issu heureuse ou malheureuse donnant lieu à la clôture du compte ou à un renouvellement d’adhésion, tout est tarifé. Pour un peu plus de naturel mais avec le souhait d’aboutir à une relation plus durable que ce qui peut ressortir d’un gô-kon, il est possible de faire appel à des organisateurs de rencontres de groupe, les matchi-kon. Divers cadres et différentes options sont proposés. En fonction de l’âge, des loisirs, de l’environnement de la rencontre, du lieu d’habitation, il est possible de trouver un véritable répertoire grâce auquel il est possible de participer à un événement taillé sur mesure. On cherche, on s’inscrit et on se rend au lieu de rencontre. Tout est organisé pour qu’on se montre sous notre meilleur jour. A nous de jouer !

Si la magie de la rencontre n’est plus tout à fait au rendez-vous, il n’en demeure pas moins que le premier contact se trouve à chaque coin de rue, et aujourd’hui, à chaque page d’un moteur de recherche. Si la première et fameuse étape est certes artificielle, une fois franchie, personne ne peut plus rien faire à part les protagonistes qui décideront, ou non, de faire un bout de chemin ensemble. Cet engagement, lui, est universel.

Marie Ebersolt

Rédactrice-traductrice