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Tadao, épisode 2: Le golf, un rite initiatique

Marie Ebersolt

Le 15 mai 2023

Bonjour à tous, c’est encore moi (pour ceux qui n'ont pas suivi, je vous invite à lire ma présentation). Cela me fait bizarre d’écrire à propos de ma vie. Elle est banale mais apparemment c’est cela qui vous intéresse alors j’ai décidé de me prendre au jeu. J’espère que je ne vous ennuierai pas trop avec mes histoires. Qui sait, peut-être que vous apprendrez des choses sur la société japonaise à travers mes expériences.
Samedi dernier, je suis allé au golf. Pas pour le plaisir, je déteste ce sport mais pour le travail, c’est une véritable passion contrariée des salarymen japonais. Je précise que salaryman est le terme courant au Japon qui définit l’ensemble des cadres d’entreprise, en opposition aux ouvriers. C’est sans doute sous l’influence américaine que mes aînés ont initié cette tradition pour renforcer l’esprit d’équipe ou pour poser le décor d’une négociation informelle dans le cadre des affaires. C’est sain, on est en plein air, et surtout, on profite de l'évènement pour jauger ses partenaires de travail. Je vous explique. La journée est longue. Un parcours de golf se déroule sur une journée entière pour jouer les dix-huit trous. Je ne vais pas m’attarder à expliquer les règles du jeu car elles n’ont pas d’importance dans mon propos. L’intérêt est de voir la courtoisie de chacun, le respect de l’étiquette et comment réagissent les joueurs à la pression du jeu, à la journée qui s’éternise, aux écueils techniques, aux commentaires des uns et des autres, ainsi que tant d’autres facteurs humains qui émaillent une séance. Quand on est jeune, on ne participe qu’aux parties internes à l’entreprise qui organise spécialement une journée pour l’occasion. Elles donnent lieu à une rencontre informelle et plus confidentielle entre un responsable et son subordonné. Ainsi, elles ont la vocation de renforcer les rapports professionnels et de juger les employés dans leur évolution de carrière. Il peut arriver de passer des instants sympathiques si l’on s’entend bien avec son partenaire de jeu. Avoir l’illusion que l’on partage un moment privilégié en dehors du bureau offre parfois une rencontre inattendue. Néanmoins, j’ai parfois été exaspéré par ce qui ressemble à une véritable mascarade, quand certains jeunes feignent une mauvaise frappe alors qu’ils sont en réalité très doués. Ils ne se rendent pas compte que leurs supérieurs sont passés par là et qu’ils ont fait la même chose. Quand j’ai gravi les échelons, je me surprenais à jouer mon rôle, celui qui gagne toujours et qui doit supporter les compliments d’un bleu usant de faux-semblants. À cause de conventions hypocrites, on est réduits à se tirer vers le bas. Cela m’étonne moins que l’économie japonaise se porte mal. Maintenant, je ne joue qu’avec des partenaires qui sont mes égaux alors les enjeux sont différents. Entre semblables, on se permet de jouer franc-jeu et conclure une affaire est devenu l’objectif principal. Mais je ne sais pas pourquoi, je suis las…

Marie Ebersolt

Rédactrice-traductrice